dimanche 1 décembre 2019

Qui m'avait refilé cette tête ?

"Pour Jordan, cela pouvait être plus compliqué : il se prenait à l'évidence pour un grand patron de presse - mais c'est ce qu'il était, justement... Il y avait là-dessous quelque forme de vertige que je pressentais sans parvenir à l'expliquer. Je n'avais pas non plus élucidé la condition des maîtres de maison et de leurs assistants dont la vocation paraissait singulière. Jusqu'à quel point étaient-ils administrateurs ou surveillants ? N'étaient-ils pas un peu pensionnaires eux aussi ? Ne pouvait-on pas trouver un Directeur derrière tout ça et de quoi étais-je responsable ? Si vous possédiez un champ ou même un simple lopin de conscience, vous étiez quotidiennement torturé par tout un tas de questions."

Jacques A. Bertrand, Je voudrais parler au directeur, Bernard Barrault, 1990, p. 66.


"Un sentiment d'injustice venait de m'oppresser. Qui m'avait refilé cette tête ? Mes parents ne pouvaient être tenus pour responsables, ne sachant pas davantage de qui ils avaient reçu la leur, et dans mon désarroi se profilait une autre question, encore plus insidieuse : qui vait refilé cette tête à qui ?
- Vertigineux, non ? En fait, je suis cette tête que je ne sais qui m'a donnée, que je ne me souviens pas d'avoir reçue et que je ne reconnais pas. Quand je crois la reconnaître, c'est encore pire : qui reconnais-je ? Je m'exprime à la première personne mais ce n'est qu'une façon de parler, vous m'avez compris..."

Jacques A. Bertrand, Je voudrais parler au directeur, Bernard Barrault, 1990, p. 82.

"Ma vie changeait. Rien n'était changé, fondamentalement : je me rétablissais. Vous n'arrêtiez pas de vous plaindre de vertiges et, un jour, vous découvriez que, depuis des années, vous vous teniez debout sur la tête."

Jacques A. Bertrand, Je voudrais parler au directeur, Bernard Barrault, 1990, p. 135.

"Ainsi Jordan était l'un des gardiens de l'Accord Tacite. S'était-il désigné lui-même comme fauteur de trouble ? C'était un cas intéressant de vertige du directeur. A force de prendre le jeu au sérieux - Le Pape, le Président, le Journaliste...- , depuis le temps qu'il le jouait, il s'était peut-être senti sur le point de voir que tout était un jeu. Que le consensus général tenait à une vague bonne volonté, une habitude... Alors, l'immense liberté entrevue par la fissure, le formidable abîme, lui aurait fait peur. Il se serait mis à couvert..."

Jacques A. Bertrand, Je voudrais parler au directeur, Bernard Barrault, 1990, p. 148.



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