jeudi 30 avril 2020

La promesse d'un sens caché


"Cet ouvrage habilement construit d’Álvaro de la Rica se propose d’éclairer un aspect peu commenté de l’œuvre de Kafka, son rapport à la Loi juive. À travers ses textes, principalement Le procès et Dans la colonie pénitentiaire, mais aussi à travers la correspondance, le journal et les témoignages des proches de Kafka, Álvaro de la Rica analyse la complexité de l’attitude du grand auteur tchèque de langue allemande face à la Loi. Pour Kafka, nous dit de la Rica, elle n’est pas un simple moyen de répression, mais plutôt la promesse d’un sens caché. L’écrivain espagnol tente donc de placer l’œuvre de Kafka au-delà du constat de l’absurde qui domine souvent nos lectures de l’œuvre kafkaïenne et pousse sa réflexion jusqu’à une perspective prophétique, notamment par rapport aux événements de la Shoah.

Puis, ces Sept méditations sur Kafka reviennent aussi sur le rapport conflictuel qui existe pour Kafka entre l’art et la vie. La conception quasi-religieuse de l’écriture – comme un devoir, une faute, ou un péché qu’il ne parvient pas à expier – la transforme en drame quotidien selon de la Rica, mais cette attitude l’amène également à une distance et donc à une réflexion constante sur notre réalité. La Loi est à la fois promesse, frustration et vertige pour Kafka, et cette complexité constitue sans aucun doute l’une des clefs pour cerner au mieux la puissance d’une œuvre singulière et comparable à nulle autre dans son siècle."


Présentation du livre sur le site d'Álvaro de la Rica.



mercredi 29 avril 2020

Les choses les plus belles au fond restent toujours en suspension


«Les choses les plus belles au fond restent toujours en suspension». Le mantra de l’autoportrait chanté du come-back 1996 le Tourne-cœur fixe Christophe en sa légende de chanteur de la lévitation lyrique, sa voix haut perchée nous arrache au sol, «comme si la terre penchait» dira-t-il plus tard, vibrante dans ses pâmoisons d’ange lubrique filant en arabesques sur le satin nocturne de dérives sans fin. Christophe l’hédoniste capable de disserter en son volapük lacunaire hachant la langue en une sorte de morse personnel et clignotant sur ses obsessions de musicien toqué de sons, de gimmicks, d’échos démultipliés, de reverb, décomptés en autant de portes dégondées vers le paradis ou le néant, comme si chaque note était un grand dialogue dissocié avec lui-même qui ne se reconnaissait pas et en jouissait et nous avec: «C’est l’inconnu qui me nourrit, le connu je le laisse derrière, j’essaie de le sublimer, quoi», nous disait-il encore au gré d’un entretien fleuve à la sortie de son ultime chef-d'œuvre, en 2016, les Vestiges du chaos.

De Christophe, on conserve des chansons miraculeuses, inusables scies de bals populaires comme opéras cosmiques pour synthés cintrés, d'épiques traversées de la nuit en son Xanadu-studio de Montparnasse, les flashs de looks cinglés (d'airs de communiant yé-yé n'ayant pas encore adopté la stache d'ivoire jauni en atours bodybuildo-gominés). Mais aussi des fascinations pour des détails infimes et vertigineux, comme les marottes qui pouvaient se trouver à l'origine de ses chansons (un mot, un son, un bourdonnement de téléphone dans un haut parleur). Par exemple, ce sticker vermillon et ambigu, pur coup de génie marketing apposé à l'album Pas vu pas pris (1980): «Ce disque contient l'Italie».

Julien Gester et Didier Péron, Un esthète dans les nuages, in Libération, 18 avril 2020.




mardi 28 avril 2020

Mes combats contre le Scorpion Rouge

"Je ne crois pas avoir le temps, l'espace ou le talent pour te communiquer le vertige de mes excursions nocturnes ou l'étrangeté d'une vie qui ne se comptait plus en secondes, mais en bulles et en vignettes aux histoires balourdes, sous un ciel flamboyant de Bangs ! Crashs ! et Kapows ! Mes combats contre le Scorpion Rouge ; ma tempétueuse affaire avec la petite Satanya ; le rire métallique de mon fidèle Tuk ; la colère téquilieuse des Vierges de Guanajuato ; la poursuite et la capture du Petit Prince, le tueur en série ; mon duel mortel contre le tout-puissant Whang-Tzu sous une pluie glacée ; la bataille contre les adorateurs du dieu Zimzum et de la déesse Quantum et, oh... l'euphorie de courir sur les toits, l'excitation qu'on ressent en vidant le chargeur d'une mitraillette tandis que la neige tombe dans la nuit grise, les sirènes des patrouilles de police, le bruit sourd qui chante la gloire du Mort avec une passion évangélique dans les journaux du soir..."

Rodrigo Fresán, La Vitesse des choses, Passage du Nord-Ouest, 2008, p. 163-164.


"Quelqu'un demande si nous voulons voir une dernière fois le défunt. Quelqu'un répond que oui et je  mets près d'une demi-minute à prendre conscience que c'est moi. Je m'avance jusqu'au bord de la fosse, on ouvre le cercueil, je regarde en bas et lutte contre la panique du vertige. Benjamín Federov me scrute du fond d'une falaise qui me paraît inaccessible."

Id.  p. 178.

"Assise au premier rang du théâtre, de la Maison de la culture, de la bibliothèque de l'école ou de n'importe quel autre endroit, la veuve de Federov me regarde fixement et m'adresse un de ces sourires qui peuvent vouloir dire tant de choses. Parfois, j'ai l'impression qu'elle me déteste, qu'elle sait tout et que ça l'amuse. Parfois, je crois qu'elle m'aime d'un amour vertigineux, pourri et impossible."

                                                                       Id. p . 187.




lundi 27 avril 2020

Perdue aux confins du sud


"(...) Les confins évoquent ainsi, inévitablement, le mystère de ce qui se trame par delà la sphère du monde familier. Le mystère de l’autre, de ce qui est vraiment autre, en quelque sorte – non pas cet autre qui, de l’autre côté de la cloison, tousse, chante ou rit, car confinés ou pas, nous sommes dans le même bateau et projetons notre existence au sein d’un même horizon. L’horizon est toujours tributaire d’un regard ; les confins, au contraire, installés à la limite de l’horizon, nous enveloppent même lorsque nous n’y prêtons pas attention. Ils “sont aussi dans notre dos”, écrit Derrida dans son style énigmatique.

Peut-être est-il essentiel de ne jamais nous y rendre – ou bien en de rares occasions – pour préserver leur onirisme. De la province des Syrtes, “perdue aux confins du sud”, Julien Gracq dit d’ailleurs que “des routes rares et mal entretenues la relient à la capitale, au travers d'une région à demi désertique”. À la limite du monde, les confins semblent abandonnés à eux-mêmes. Nul ne s’en soucie vraiment.

Que le secret de leur au-delà puisse nourrir la crainte et le repli dont le mot “confinement” porte en quelque sorte la trace, c’est certain. Mais les confins disent aussi la soif de l’ailleurs dont la rêverie fait son étoffe et la pensée son souci. Or, de ce vertige des confins, nous pouvons sans doute faire l’épreuve sans déroger aux règles du confinement. Qui sait ce que nous pourrions y découvrir ?"

Octave Larmagnac-Matheron, Carnets de la drôle de guerre, Philosophie magazine, 17 avril 2020.



dimanche 26 avril 2020

Magie de l'absence


Maurice Olender, Un fantôme dans la bibliothèque, Seuil, 2017, p. 167
(En accès libre le temps du confinement)

Maurice Olender devant sa bibliothèque. © Lydia Flem/courtesy gal. Fr. Paviot.

samedi 25 avril 2020

Un paseo por la frontera vasca del Pirineo

"La littérature qui a toujours retenu notre attention, qu'il s'agisse d'essais ou de fictions romanesques, est bien évidemment celle qui entrecroise le plus intimement possible vie et mots, action et reflets ou rêves d'action dans l'écriture, jusqu'à rendre vertigineux l'entrecroisement des nombreuses trames, fictionnelles ou réelles, fictionnelles donc réelles, et cette tradition dite, au sens le plus noble du terme, existentielle (bien davantage à nos yeux qu'existentialiste), a quelques grands noms pour l'illustrer, qui s'étendent de Villon à Kierkegaard, en passant par Rimbaud, Lautréamont, Fondane ou Cendrars, Augiéras ou Psichari.
La déambulation d'Álvaro de la Rica, dans les peintures, les photographies, les textes ou les lieux bien réels bien que gonflés par la présence, illustre ou discrète, d'écrivains, de peintres ou de photographes, a ceci de troublant qu'elle semble, de premier abord, désordonnée, elle qui évoque par exemple les paysages se trouvant des deux côtés de la frontière séparant le Pays basque sud (ou espagnol) et le Pays basque nord (ou français), frontière ne cessant d'être traversée, dans un sens ou dans l'autre, par l'auteur qui confesse qu'il doit être de plus en plus clair, pour le lecteur, «que este libro [le sien donc, ne peut qu'être] un paseo en el que [l]e interesa, sobre todo lo demás, hablar del problema de la forma en el arte y en las obras colectivas de los hombres» (p. 123)"

Juan Asensio, Órdago d'Álvaro de la Rica, in Stalker, 15 avril 2020.



vendredi 24 avril 2020

Sur le cercueil comme au bord d'un précipice

"Au début, nous refusons de toutes nos forces, pris de terreur à l'idée de nous approcher d'un mort. Nous préférons ne pas le voir, "nous le rappeler de son vivant, et patati et patata". Il se passe alors quelque chose d'étrange : il suffit de le pressentir du coin de l'oeil, de le deviner presque involontairement, pour découvrir que nous ne pouvons plus cesser de le regarder.
C'est alors que nous nous penchons sur le cercueil comme au bord d'un précipice et que nous regardons au fond en défiant le vertige de notre propre et inévitable avenir."

Rodrigo Fresán, La Vitesse des choses, Passage du Nord-Ouest, 2008, p. 57.

"Indépendamment de tout, je crois que Willi aimerait beaucoup m'entendre dire qu'il a connu une mort à la fois rapide et lente, comme les meilleures fêtes.
Evidemment, au début, la perception des fêtes qu'avait Willi n'avait pas grand chose à voir avec la mienne. Alors que je me sentais à l'aise dans les fêtes imprévues et pourtant aussi puissantes que l'orage d'été le plus banal, Willi rêvait des soirées d'un passé irrécupérable, de fastes élégants et doux qu'il avait amortis en me récitant de longs paragraphes de Proust au coeur même de mes nombreuses nuits vertigineuses. Will lisait sans se presser, prenant la voix qu'adoptent certaines femmes pour décliner les ingrédients d'une recette de cuisine dans un studio de télévision, comme si, de la sorte, en me laissant entrevoir la possibilité d'autres mondes, d'autres habitudes en matière de fêtes, il avait pu conjurer mon esthétique fébrile et compulsive."

Id. p. 111

Rodrigo Fresán

Fresán attire le vertige. Recherchant une nouvelle fois une illustration pour ce billet, je tombe sur cet article de Gilles Heuré dans le Télérama du 5 janvier 2017 :
"L'écrivain argentin Rodrigo Fresán, né en 1963, vit depuis dix ans à Barcelone. Il est l’auteur des Jardins de Kensington (2004), Mantra (2006), Le fond du ciel (2010) ou Histoire argentine (2012), tous traduits en français. Paru aux éditions du Seuil, son dernier livre s'intitule La part inventée. Officiellement, c'est un « roman ». Disons plutôt qu'il s'agit d'un vertige littéraire où s’entremêlent culture pop, fantasy et, surtout, réflexions sur la littérature et la place de l’écrivain."
Et un peu plus loin, dans l'entretien :
"Il y a beaucoup de bibliothèques dans votre livre, et l’on songe à celle de Borgès, la bibliothèque de Babel qui donne le vertige...
C’est l’une des deux raisons qui font que l’on peut être fier d’être Argentin. La première, c’est d’être footballeur. La seconde est d’être écrivain dans la patrie de Borgès !"

jeudi 23 avril 2020

W, avec étoilement

"Maintenant, W. On sait le point de départ, un feuilleton pour la Quinzaine littéraire, où il reprend un thème pour lui principal dans son adolescence, la construction d’une île toute basée sur les activités sportives. L’échec de ce récit (ou plutôt : que ce récit ne puisse dire que son propre échec) l’amène à une interrogation autobiographique, lui dont les éléments autobiographiques à sa disposition sont si minimes. W, le livre qui insèrera cette réflexion sur les éléments autobiographiques au récit de l’île, ne se présente pas comme autobiographie réalisée, mais presque une méthode de composition, le carnet d’accompagnement de la démarche d’écriture qui mène à une possible autobiographie.
Ainsi, ce passage essentiel (et imprimé en gras dans le livre), où Perec tente de noter, très à plat, les éléments d’information dont il dispose concernant sa mère, et simplement que ce soit exhaustif. Le texte fait un peu plus de trois pages.
Mais aussitôt (note 13, déterminante), un constat accablant pour lui, le prestidigitateur vertigineux des Alphabets : J’ai fait trois fautes d’orthographe dans la seule transcription de ce nom : Szulewicz au lieu de Schulevitz.
Perec accumule alors 26 notes, couvrant une dizaines de pages, chacune implantée dans les 4 pages initiales.
La révolution littérale de W – et notre consigne en découle, mais c’est le même principe d’écriture que Saint-Simon annotant le Journal de Dangeau puis les recouvrant du récit des Mémoires –, c’est de ne pas fusionner les deux textes, mais de les laisser dans leur étoilement. C’est un principe de réécriture, par expansion, mais qui ne se constitue pas comme réécriture, et nous laisse face au procédé lui-même."

François Bon, les nocturnes de la BU d’Angers, 07 | W, avec étoilement
principe d’expansion du texte par constellation, selon W de Georges Perec
Tiers-livre 

 

mercredi 22 avril 2020

Le Moyen Âge doit-il nous ressembler ?

Prodiges et vertiges de l’anachronisme

« Les réflexions des médiévaux sont souvent d’une grande modernité », lisait-on au seuil du tome 1. Si l’affirmation se discute, il est clair qu’elle répond efficacement aux contempteurs – et ils sont encore nombreux – d’un Moyen Âge pluvieux, obscurantiste et violent. Nos six auteurs en quête d’un autre Moyen Âge ne sont évidemment pas les premiers à se lancer dans l’entreprise de déconstruction des clichés pesant sur dix siècles d’histoire – que l’on pense au petit livre, déjà ancien, de Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge (Seuil, 1977) –, mais c’est avec un indéniable talent d’écriture, humour et facétie qu’ils opèrent des « rapprochements » parfois incongrus, et souvent provocateurs, avec notre temps. La comparaison des selfies et des sceaux médiévaux, des monastères et des paradis fiscaux, ou des familles de banquiers florentins du XIVe siècle et des grandes banques d’aujourd’hui, éclaire de manière pop et ludique de lointaines réalités souvent mises au rancart au prétexte de leur archaïsme.

Arnaud Fossier, Le Moyen Âge doit-il nous ressembler ? À propos de : F. Besson, T. Boestad, M. Fulconis, P. Guéna, S. Hasdenteufel, C. Kikuchi, Actuel Moyen Âge. L’aventure continue, Arkhè
in La Vie des idées, 19 décembre 2019.


mardi 21 avril 2020

Les animaux dénaturés

"- Mais c'est merveilleux ! Tout simplement merveilleux ! Vous avez accepté, naturellement ?
Elle-même ne savait pas pourquoi elle s'exprimait ainsi. Il y avait eu ce long sourire crispé, insupportable dans le silence, et cette panique, cette sorte de vertige qui la prenait toujours. Et puis Douglas avait enfin dit quelque chose, et elle s'était sentie soulagée ; mais c'était cette chose, et se sentait douloureusement blessée.
- Vous pensez que je devrais ? dit Douglas.
Il paraissait surpris et décontenancé. Mais elle se sentait douloureusement blessée. Elle répéta d'une voix trop joyeuse :
- Mais naturellement, c'est merveilleux ! Vous ne pouvez pas laisser échapper cela ! Quand partent-ils ?"

Vercors, Les animaux dénaturés, Livre de Poche, 1952, p. 40.

"Elle ne lui répondrait même pas. Si, elle lui répondrait ! Elle écrirait : "Je vous croyais différent des autres. Ce que j'aimais, c'était la confiance merveilleuse que vous m'inspiriez. Vous l'avez réduite en cendres."
Elle passa l'heure suivante à déambuler entre les arbres, et à construire, sous la pluie fine, une lettre d'adieu, d'une splendide violence. Quand elle l'eut terminée, il se fit d'abord un creux vertigineux, gris et froid comme toute cette épaisseur de pluie."

id. p. 156.

" - Peut-être... répéta-t-elle. Vous touchez là un point sensible, Frances, que je camoufle assez bien d'ordinaire..." Elle changea étrangement de ton : "Immoraliste... oui, je le suis, mais je ne m'en "flatte" pas, je vous assure... Je n'ignore pas ce qu'on pense de ma vie souvent, vous savez... Mais vous ne savez pas ceci sans doute : qu'il m'arrive d'en souffrir. Non pas de ce qu'on pense, bien sûr ! Mais de ce que cette vie dépende si totalement de moi, de moi seule, - de mon seul jugement... J'en éprouve parfois un... un vertige panique... Je vous étonne, Frances ? Je vous paraissais moins vulnérable ? Plus cuirassée ? Personne n'est cuirassé : ce n'est jamais que du clinquant. Le ciel est vide, Frances, c'est vrai, mais on a beau le savoir, on ne s'habitue pas à ce que nos actes n'aient aucun sens... - que les bons comme les mauvais engendrent au hasard les bienfaits ou la pestilence... Dieu est toujours, toujours muet... Nous n'avons, pour fonder le bien et le mal, que le sable mouvant des intentions... Rien ne vient nous guider... " Elle soupira : "Ce n'est pas drôle tous les jours."

id. p. 197.


lundi 20 avril 2020

Monde des flux financiers et de l'urine des chauve-souris

Patrick Boucheron, «En quoi aujourd’hui diffère d’hier", Mediapart, 12 avril 2020.

Extrait :

"Nous vivons une épreuve grandeur nature de mondialité. Si on pouvait encore avoir des doutes sur le fait qu’on vit dans le monde, qu’il nous rentre dans le corps, c’est terminé. Bien sûr, dans le monde ancien, la peste ou le choléra se déployaient aussi de façon articulée dans un monde interconnecté, mais là, l’échelle est tout autre. Nous ne sommes plus dans le même rayon de courbure – ni en termes de distance, ni en termes de rythmes, ni en termes d’intensité ou de circulation d’informations. La globalisation est accomplie – et de ce point de vue également, on doit se demander si elle ne nous fait pas entrer de force dans ce que Peter Sloterdijk appelle la « posthistoire ».

Cela nous impose de saisir ce qu’on sait déjà, à savoir que les systèmes complexes et interconnectés sont infiniment vulnérables, même s’ils sont aussi résilients. Cela nous impose aussi de comprendre à quel point nous vivons tous aux frontières de la Chine, et que Wuhan, dont certains intellectuels français continuent de parler comme d’une ville inconnue, est un des centres du monde, et d’ailleurs aussi la ville chinoise où les investissements français sont les plus nombreux – ce qui ne l’empêche pas d’abriter le marché aux animaux sauvages que l’on sait. Notre monde est celui-là désormais, celui des flux financiers et de l’urine de chauve-souris. Ce fracas vertigineux des échelles et des temporalités ne peut être décrit que de manière interdisciplinaire."

dimanche 19 avril 2020

Le crépuscule des lieux

"Pourtant, devant ce vertige qui atteint le passager lorsqu'il plonge dans les profondeurs du pays, nous devrions nous interroger, cette ivresse des grandeurs qui l'entraîne à dépasser certains paliers d'accélération est redoutable, la grandeur du monde, son étendue se confondent soudain avec la volonté de puissance des conducteurs : c'est l'assaut qui donne le jour aux contrées du parcours, le territoire n'existe plus que par la violence de l'avance, c'est l'avancée qui provoque à l'arrivée le crépuscule des lieux, le voyeur-voyageur n'a plus besoin, comme son confrère sédentaire, de se tenir derrière le trou de serrure d'un centre de convergence panoptique, sa course n'est lus qu'un long regard où le lieu et l’œil se confondent étymologiquement."

Paul Virilio, L'horizon négatif, Galilée, 1984, p. 154.

"Depuis la révolution du transport, le lointain est devenu si proche que la résistance et l'opacité de la matière semblent avoir pour nous l'attrait d'un nouvel exotisme, l'éloignement n'est plus tant le fait de la durée et de l'étendue de la course, que celui de la dureté et de la solidité du matériau. Nouveau vertige, sous nos pieds le monde plein nous attire comme la plaine attirait jadis le nomade et la cavalier, secrètement nous désirons, semble-t-il, cette chute des corps dans les solides, l'idéologie (totalitaire) de la transparence rejoint ici celle du transport et exige la mise à jour, la percée du tunnel. Après l'abandon à l'ivresse (coloniale) des grandeurs continentales, nous sombrons dans l'ivresse des profondeurs sous-continentales..."

id. p. 174.

" Surfaces adverses, miroir des conquérants, les étendues désertiques ont attiré des générations de prospecteurs, chercheurs de vestiges, de richesses enfouies ; derniers du genre, les coureurs chercheurs de vertige, de vitesse ultime. Ainsi que l'exprime l'ancien recordman du monde Art Alfons : "Nous avons conquis les vastes espaces interplanétaires, mais nous savons si peu de choses sur les moyens de nous déplacer sur notre Mère la Terre."

id. p. 201.



vendredi 17 avril 2020

Discours vertigineux des astronautes en orbite

"Je m'explique, j'essaie de m'expliquer : pour le moment je navigue sur un bateau au pavillon imprécis qui porte un nom presque honteux tant il est évident. Le S.S. Neptuno. [...] Tout ce qui m'intéresse est d'établir en guise de préambule - comme le savent bien ceux qui un jour ont préféré l'eau à l'air - qu'on n'est jamais plus loin de tout ni plus décalé que lorsqu'on vogue sur l'océan. Méfiez-vous, s'il vous plaît,  de discours vertigineux des astronautes en orbite. Quelqu'un a affirmé à juste titre que l'homme n'est qu'une invention de l'eau afin de pouvoir se déplacer d'un point à un autre. Nous sommes constitués d'eau et non d'air. Voilà pourquoi lorsqu'on se risque à ne faire qu'un avec les vagues, on ne peut dissimuler sa sensation d'égarement ni, en même temps, son impression d'avoir regagné le foyer ancestral après être resté si longtemps loin de chez soi."

Rodrigo Fresán, La Vitesse des choses, Passage du Nord-Ouest, 2008, p. 28.

En cherchant une illustration pour cet article, je tombe sur un article d'Isabelle Rüf sur un autre roman de Fresán, dans le quotidien helvétique Le Temps :


A l'intérieur duquel on peut lire :

"Carnet de notes

Une partie entière, la plus romanesque, est consacrée à Fitzgerald, à sa femme Zelda et à un couple de mécènes, les Murphy. C’est un chapitre composé en «biji», une forme littéraire chinoise qui signifie à peu près «carnet de notes» et peut contenir des anecdotes, des citations, des pensées, et tout ce que l’auteur a envie de consigner. Pour Fresán, les carnets de Fitzgerald en sont la meilleure illustration. Les bijis sont aussi une assez bonne définition de la spirale narrative de «La Part inventée», où l’on trouve vraiment de tout, à profusion et jusqu’au vertige."

jeudi 16 avril 2020

Basiquement une écriture

"La Vitesse des choses est basiquement une écriture. Il ne s'agit pas  exactement d'un roman ni d'un recueil de nouvelles, mais plutôt d'une écriture ou, si l'on préfère, de Divagations, de Voix, de Théories, de propositions écrites à un rythme vertigineux où l'action se diversifie en multiples actions intérieures."

Enrique Vila-Matas, préface à Rodrigo Fresán, La Vitesse des choses, Passage du Nord-Ouest, 2008, p. 11.


mercredi 15 avril 2020

Les somnambules vont-il se réveiller ?

" (...)
Les somnambules vont-il se réveiller ?
Je ne sais pas.
J’aimerais y croire. Croire qu’un « tsunami », qu’un traumatisme peut éveiller deux ou trois consciences. Comme une indignation un peu plus forte qui, pour une fois, serait profonde, sincère et pas seulement un spontané mais éphémère mouvement de foule.
Aura-t-on, pour une fois, la force de les perpétuer au fond de la gorge ces inquiétudes qui nous ont étreints ces jours-ci ?
Ou ne sera-ce qu’un autre haussement d’épaules, qu’un « on l’a échappé belle », un de plus, avant de s’abandonner à nouveau au vertige des jours qui se succèdent dans notre indifférence ?
Je ne sais pas.
Finira t-on par comprendre ?
Je ne sais pas.
Et ce manque de confiance ou de certitude gouverne à chaque matin.
En suspens.
Dans la dépression ouatée des jours qui se recommencent sans cesse."

Nicolas Houguet, page Facebook 
Son blog L'Albatros.


mardi 14 avril 2020

Le Masque de la Mort rouge

"La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c’était le sang, - la rougeur et la hideur du sang. C’étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l'humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L’invasion, le progrès, le résultat de la maladie, tout cela était l'affaire d’une demi-heure."
 
Edgar Allan Poe, Traduction par Charles Baudelaire.
Nouvelles Histoires extraordinairesA. Quantin (p. 153-160). Wikisource 
 
 
Lire aussi Stalker

samedi 11 avril 2020

Contagions

"Paolo Giordano a écrit "Contagions" il y a quelques jours à peine, dans le feu de l’urgence, alors que l’expérience du confinement démarrait en Italie - avant de toucher la France."

Paolo Giordano, Mantoue, Italie, 2018 Crédits : Leonardo Cendamo / Contributeur - Getty
 Paolo Giordano sur France-Culture.

 Le livre est en libre accès sur le site des éditions du Seuil.

p. 16
p. 35



p. 45

vendredi 10 avril 2020

Epidémie de vertiges dans le Monde

Bonne illustration de la contagion du vertige dont je parle dans Torticolis. Hier, dans l'édition du Monde, pas moins de trois occurrences.

Solenn Le Royer, Quentin Lafay, piraté repenti


Florent Georgesco, Tout le connu dans une seule main, un rêve ancien


Mathias Enard, Des poches sous les yeux


jeudi 9 avril 2020

Etreinte

Vu sur le mur Facebook d'Aurélien Barrau :

« Il n’y a pas de pensée. L’ordre de la pensée est un mensonge, un alibi pour ne pas désespérer, vertigineusement. »

Jean Senac, Étreinte

Jean Sénac
 Sur Jean Sénac, Serge Martin, France-Culture.

mercredi 8 avril 2020

La tête proche du vertige

 Sur Le Temps.

En dessous d’Aran, 15 avril 1932

La tête proche du vertige (jeûne, longue marche?) assis sur un très haut mur de vigne, le dos à la route, le visage vers le lac, je regarde le peuple des vignerons recommencer son travail d’après-midi. Ciel un peu trouble (tout à l’heure quand je traversais le Purgatoire des Cornes-de-Cerf il y avait un grand halo et le vent sentait la neige).
Gris bruns sourdement nourris d’un mauve pas trop désagréable. J’imagine le jeune vigneron seul, une sorte d’A[imé] partout désiré.

mardi 7 avril 2020

Dans les entrailles de chacun un sorcier descend

Marcel Moreau est mort du coronavirus le 4 avril 2020, à Bobigny. Né en Belgique le 16 avril 1933, l’écrivain avait 86 ans, il laisse une soixantaine de livres. Petite recension de vertiges dans l'hommage donné dans Diacritik, sous la plume de Lucien Raphmaj.

"À dos de dieu, de Marcel Moreau, fait partie de ces livres plus que radioactifs. Il est un de ces livres terriblement radieux et sombres, brûlant toujours, et dont aucune « demi-vie » des atomes ne pourrait rendre compte – parce qu’un tel livre en appelle à la vie infernalement pleine, entière, énorme et indivisible – vie et mort embrassées.
Ce livre a été édité une première fois en 1980, une lune d’asticots (éditions Luneau Ascot) brillant sur « l’ordure lyrique » de ce texte vibratoire énoncé depuis une langue pleine de vertiges, une langue syncopée, assourdissante, menée tambour battant sur presque cent pages."

"On suit clairement la mise en place d’un monde vécu, ruminé, remué enfant par la musique, non pas par ce qu’elle enseigne, solfège et beauté harmonieuse, mais par ce qu’elle remue, désordonne par le biais même de ce qui pourtant est l’ordre : le rythme. « Beffroi est fou, mais Beffroi est un rythme, une machine à produire le vertige. » C’est la phase essentielle de la formation sensuelle de Beffroi enfant : « Bientôt la percussion. Beffroi halluciné. Avec ses cheveux qui balaient le banc, sa tête qui plonge ou qui vire, ses lèvres qui saignent, ses yeux qui sont blancs, énormes, ses dents moussues et son cri ahon ahon ahon ! Cri d’abord puis chant, chant rauque qui semble s’élever d’une plaie, d’une tumeur horrible au fond de la gorge. Batterie qui est un fauve, une brute, une canaille sonore. Et les morts qui sont secoués. Et les morts se redressent, miraculés de ‘drums’. Mon ouïe battue par pluie de coups de poing, de coups de gong d’or. Chaque élève gagné par le rythme, par le message violent et obscène d’une batterie nue. Dans les entrailles de chacun un sorcier descend. »

 

lundi 6 avril 2020

Pour une écologie du sensible

"Jusqu'à très récemment, nous croyions que notre odorat relevait de la seule muqueuse olfactive située à la partie supérieure des fosses nasales, représentée par 6 millions de cellules olfactives, contre 220 millions chez le chien. Notre odorat paraissait donc particulièrement dépourvu. Des recherches très récentes révèlent cependant que nous disposons également de récepteurs olfactifs extranasaux, présents dans des organes où nous ne les aurions jamais soupçonnés : poumons, intestins, foie, reins, et même, coeur et testicules... La liste de ces dispositif dits ectopiques, c'est-à-dire localisés à des endroits où ils n'étaient pas attendus, ne cesse de s'allonger. Ces récepteurs jouent un rôle dans la régulation des processus de reconnaissance, de migration et d'orientation des cellules. Leur activité est modifiée dans les tissus atteints de pathologies, notamment cancéreux. Notre capacité olfactive, ouverte sur le dehors mais aussi sur le dedans, reste en réalité vertigineuse. En outre, les recherches conduites sur les microbiotes révèlent que ceux-ci participent très activement à la production de signes odorants."

Jacques Tassin, Pour une écologie du sensible, Odile Jacob, 2020, p. 85.



dimanche 5 avril 2020

Comme une plaie au milieu de la pente

Festival de vertiges alpins avec Antoine de Baecque dans sa Traversée des Alpes.

"Me voici bientôt sur les premiers contreforts de la crête des Gilles, empruntant un sentier vertigineux taillé au-dessus des à-pics." (p.151)

"Jusqu'à présent, et durant une heure de marche, c'est la partie la plus spectaculaire, en tous les cas la plus aérienne, de mon cheminement. Pourtant, je m'y sens en sécurité même si tous les guides mettent en garde le randonneur contre les dangers qui le guettent ici, notamment au début de l'été quand les névés de neige s'accrochent aux pentes. Alors il vaut mieux délaisser le chemin encombré de plaques glissantes pour passer sur l'arête sommitale, généralement déneigée, mais si vertigineuse." (p. 152)

"Transition entre nord et sud, je suis passé par le col de la vallée Etroite - quel beau nom, on dirait le titre d'un film d'Anthony Mann ou de John Ford - de la Savoie aux Hautes-Alpes. Mélèzes, pins Cembro, l'Italie toute proche, les ravinements vertigineux à la place des larges effets de l'érosion glaciaire, on perçoit l'influence méridionale." (p. 273)

"Sous ce replat apaisant où repose Joseph Giavelli, le "berger des Thures", dont les cendres ont été dispersées au milieu des moutons qu'il garda ici pendant vingt-cinq ans, le ravinement est intense, spectaculaire, vertige d'éboulis torturés d'où émergent quelques pitons rocheux, demoiselles ruinées, mais vaillantes, résistant à l'apocalypse." (p. 274)

" Je quitte la Clarée à Plampinet, dont la chapelle du XVIe siècle possède des fresques insoupçonnées. Le nom charmant et le hameau souriant ne laissent pas présager de la rudesse du chemin qui suit : une route forestière abrupte et lancinante montant en lacets serrés le long de ravins vertigineux et coupant la montagne en deux, comme une plaie au milieu de la pente." (p .277)


Traversée de la mer de Glace, à proximité de Chamonix, au tout début du XXe siècle.
© Anonyme/Zentral Bibliothek Zürich



"Outre les fortifications de la vieille cité, où l'on entre par l'imposante porte de Pignerol, Vauban a fait édifier au début du XVIIIe siècle, à la suite de deux tournées en 1692 puis 1700, tout un système de forts alentour qui contrôlent la route de Montgenèvre. Il y a les Salettes et le Dauphin, au plus proche du col ; les Têtes, fort à lui seul aussi grand que la vieille ville ; le Randouillet, qui surplombe et protège tout en interdisant à l'ennemi la route des crêtes ; l'Anjou et la redoute du Point du Jour, encore plus hauts, quasi vertigineux ; et le centre de communication en Y au coeur du système, autant de points que l'on peut joindre par un réseau de chemins extrêmement judicieux, dont l'audacieux pont d'Asfeld jeté sur le vide." (p. 304)

"Je retrouve la route et le goudron - assez étrange sentiment, d'abord confortable, assez rapidement lassant - pour une marche légèrement descendante d'une bonne heure qui me mène jusqu'au pont du Châtelet, construction vertigineuse en arche de pierres entre deux parois de gorges à pic surplombant l'Ubaye de quatre-vingt-dix sept mètres." (p. 355)

"Descente vers Larche, après le passage au col de Mallemort, dont le nom est comme un mauvais présage. Il est d'ailleurs vertigineux et d'autant plus impressionnant qu'il est encerclé et surmonté par des forts, des blocs de béton, le tout ruiné, éventré, percé de ferraille rouillée. On n'imagine pas les combats et la mort des soldats ici, où la montagne a tous les droits, où les marcheurs ont repris le pas." (p. 364)


samedi 4 avril 2020

La pollution tue

"La pollution tue. En Chine, le chauffage intérieur au charbon n'est pas subventionné au sud du fleuve Huai, mais il l'est au nord, où il fait plus froid. On observe une chute vertigineuse de la qualité de l'air quand on passe d'une rive du fleuve à l'autre, et une chute correspondante de l'espérance de vie. Selon les estimations, si la Chine passait au niveau moyen mondial de concentration de particules dans l'air, elle sauverait l'équivalent de 3,7 milliards d'années de vie."

Abhijit V. Banerjee, Esther Duflo, Économie utile pour des temps difficiles, Seuil, 2020, p.299.



jeudi 2 avril 2020

Le Banquet des Cendres

"De Bruno lui-même on gardera bien entendu à portée de main L'infini, l'univers et les mondes, ainsi que Cause, principe et unité, qui publiés la même année que le Banquet forment avec lui une trilogie. Alors, on admirera probablement le double coup de force du Nolain, opposant aux thèses géocentriques issues d'Aristote et de Ptolémée l'héliocentrisme de Copernic, avant d'opposer à ce dernier sa grandiose conception d'un univers décentré et sans limite. Plus précisément : d'un univers "infiniment infini", éternel et toujours changeant, vivant et en perpétuelle mutation, peuplé d'un nombre infini de mondes dont le principe de plénitude garantit l'existence réelle.
Passé le premier vertige, la cosmographie de ce Banquet révèlera les grands thèmes métaphysiques de quelques oeuvres ultérieures : transcendance et immanence, infini et perfection, causalité et liberté ; rapport entre l'un et le multiple, entre la structure de la matière et l'éternelle âme du monde, entre l'univers et Dieu dont s'impliquent réciproquement les respectives infinitudes."

Yves Hersant, préface au Banquet des cendres, de Giordano Bruno, 1988, Ed. de l'Eclat, p. X-XI


mercredi 1 avril 2020

Le saut de l'Ange

Hier, lors de ma revue quotidienne des articles en ligne. Tout d'abord, dans l'excellent Journal de confinement (rebaptisé Corona Chroniques) de David Dufresne (J 15) :


Puis sur la dernière livraison de la non moins excellente revue Terrestres, Coronavirus, un saut de l’ange existentiel et politique, par Quentin Hardy. Pas moins de deux occurrences :



Cerise sur le gâteau : dans la rubrique Autres sentes d'Alluvions, le dernier post de Fixer-les-vertiges  en synchronicité avec ce billet de Quentin Hardy.


Pour parfaire l'ensemble, noter la mention de David Dufresne, (non pour sa Corona-chronique mais pour son film Pigalle).