“J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable.
Je fixais des vertiges.”
Arthur Rimbaud, Alchimie du verbe
Je suis incapable de préciser le moment exact où je décidai de
recueillir les vertiges. L’origine de ce que certains pourraient
bien qualifier à juste titre de lubie se perd dans les limbes.
Toujours est-il que j’ouvris le 2 mars 2018 un cahier (mauve,
Bensimon for Quo Vadis, pages ivoire finement lignées) où je
décidais de consigner toutes les apparitions, lors de mes lectures
diverses, du mot vertige et de ses dérivés (vertigineux,
vertigineusement, vertigo). Le cahier des charges était
simple : le mot lui-même n’était jamais explicitement recherché,
il devait advenir de lui-même. Repéré, je le recopiais dans le
cahier, en ayant soin de le prendre dans son contexte, ou bien je
photocopiais, je prenais en photo, j’imprimais. Ma besogne
s’achèverait cahier rempli.
Il me fallut moins d’un
an.
La première prise fut
le titre d’un dessin de François Matton (femme nue que je ne peux
malheureusement reproduire ici) : Vertige, écroulements, déroute
et pitié, daté du jeudi 22 mars, issu de son blog Sans
l’ombre d’un doute. Quatre cent trente-et-un vertiges plus
tard, je concluais le 12 février 2019 sur une citation du philosophe
Emmanuel Levinas, dont j’avais imprudemment feuilleté le premier
tome de ses Oeuvres complètes (achetées à Périgueux en
2009 et encore à lire) :
“L’il y a - C’est
la chute dans l’abîme telle qu’on la connaît dans le rêve ou
dans le vertige.
Vertige -
dépersonnalisation.
Grouillement de points
et non pas points d’une ligne.” (Notes philosophiques
diverses, p. 387)
Quelques mois plus tard, les vertiges continuant de peupler mes jours et mes nuits, en de multiples rencontres sans lendemain qui me laissaient des regrets, je décidai de poursuivre la cueillette sur le support numérique d'un blog. Cela durera le temps que j'y trouverai du plaisir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire