mardi 26 novembre 2019

Parenthèse dans la parenthèse

"Nous progressions dans la pénombre entre deux rangées d'étagères saturées de câbles et de machines à miner. Gu, qui marchait devant moi, avait repris son rôle de guide, il complétait sa visite en se retournant de temps à autre pour me faire part de quelques explications techniques. Au bout de la salle, dans un coin, à l'abandon, étaient entassées des centaines de machines à miner hors d'usage ou déjà vétustes. L'obsolescence, dans cette activité, était vertigineuse, certaines machines, qui n'avaient même pas dix-huit mois, pouvaient déjà être considérées comme archaïques. Gu, me désignant du bras l'empilement des appareils abandonnés, m'expliqua que c'était des machines qu'on ne pouvait même pas réparer, que cela reviendrait plus cher de les démonter pour les remettre en état que d'acquérir du matériel neuf et plus performant."

Jean-Philippe Toussaint, La Clé USB, Minuit, 2019, p. 106-107.

"Je regardais cette ville inconnue à travers la vitre du taxi, et je songeais que, dans cette parenthèse de ma vie que constituait ce voyage en Chine, au coeur même de ce blanc que j'avais ménagé dans mon emploi du temps, j'étais en train d'ouvrir une nouvelle parenthèse, une parenthèse dans la parenthèse en quelque sorte, encore plus secrète, encore plus vertigineuse. J'étais maintenant en train de m'enfoncer profondément dans la clandestinité, de sorte que plus personne au monde ne pouvait savoir où j'étais en ce moment et ce que j'étais en train de faire."

Jean-Philippe Toussaint, La Clé USB, Minuit, 2019, p. 118.

"A l'abri dans ce lieu clos, je ne bougeais plus. Je ne faisais absolument rien, je savourais l'instant présent. Je continuais d'entendre les bruits du monde, au loin, de l'autre côté de la cloison, des écoulements d'eau, quelques notes étouffées de Jingle Bells. Je ne m'étais pas retiré dans cette cabine depuis deux minutes que les battements de mon cœur s'accélérèrent de façon vertigineuse. Je fus saisi d'effroi. Une main apparut devant moi sous la porte (...)." 

Jean-Philippe Toussaint, La Clé USB, Minuit, 2019, p. 130-131.

"Je levai la tête vers la salle. Ébloui par la lumière des projecteurs, je devinais en face de moi dans la pénombre la présence concrète et effrayante des spectateurs du premier rang. Il y avait des centaines de personnes au parterre et il y en avait autant au premier et au deuxième balcon. J'étais pris de vertige. Mais que faisais-je là ?" 

Jean-Philippe Toussaint, La Clé USB, Minuit, 2019, p. 162.


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