"A l'intérieur se trouvait un nombre considérable de piles, tantôt ordinaires, tantôt rechargeables, attachées deux par deux par des élastiques dont dépassaient des Post-it manuscrits. J'en ai déplié quelques-uns avant de comprendre qu'il s'agissait, pour chaque couple, de la date de leur début de vie et de la date de leur mort. Tous étaient datés de l'année qui venait de s'écouler. Au revers d'un des couvercles, sur une feuille pliée en quatre, un tableau soigneusement tracé à la règle et au crayon à papier résumait les données. C'était une petite étude comparative, tout ce qu'il y a de plus sérieux, avec des dates, des prix, des couleurs de Stabilo plus vives pour les marques les plus performantes et, dans la case "remarques", au bout de chaque ligne, les différences entre la capacité déclarée sur l'emballage et la durée de vie réelle des batteries.
J'ai été prise de vertige : voilà donc à quoi mon père, qui venait de mourir et à qui je parlais à haute voix sans même m'en apercevoir, avait entre autres occupé son esprit les derniers mois de sa vie."
Anne Pauly, Avant que j'oublie, Verdier, 2019, p. 106-107.
"Ma joie de vivre s'était affaissée comme un vieux pont un jour de crue et je ne pouvais que constater les dégâts en attendant des réparations dont je savais qu'elles prendraient des mois. Pour qui exister et agir désormais ? Vers quoi tendre, à qui s'adresser et quelle direction prendre depuis le milieu de rien ? Ça donnait le vertige. Heureusement, pour m'accompagner dans cette chute, je disposais tout de même de ses trois importants conseils principaux :
1. Le temps passe, tu sais.
2. La vie est tendue comme la corde d'un instrument : pas assez tendue elle sonne faux, trop tendue elle casse.
3. Tout s’enchaîne, tout a une conséquence, et si tu fais pas gaffe, en deux minutes , t'es baisé."
Anne Pauly, Avant que j'oublie, Verdier, 2019, p. 124.
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