samedi 25 juillet 2020

Abandonné à "l'obscurité du non-être"

"Loin de servir de simple repoussoir, le personnage du sophiste, avec ses simulacres et ses jugements faux, conduit ainsi Platon à "se dégager" de la "thèse de Parménide" pour admettre l'hypothèse dangereuse selon laquelle "le non-être existe en quelque façon". Quel statut accorder à ce non-être et comment le circonscrire, c'est tout l'enjeu du dialogue, au travers d'une réflexion sur l'Autre - le non-être de l'être - et sur le langage, comme puissance d'accréditer le faux autant que comme puissance de dire le vrai. Mais si, au final, le sophiste est abandonné à "l'obscurité du non-être", subsistera ce moment de vertige très profond où le philosophe aura aperçu dans son adversaire l'image inversée de lui-même et dans ses simulacres la consistance du néant."

"Aujourd'hui, à l'âge d'Internet et des réseaux sociaux, mais aussi des fake news, la figure de l'intellectuel, sophiste et philosophe, s'est disséminée en une multitude d'espaces et de personnages qui vont du bloggeur à l'influenceur en passant par l'expert, l'éditorialiste ou le philosophe médiatique. Dans cette nouvelle configuration, le match entre le sophiste, désireux de briller et de l'emporter dans les nouvelles joutes oratoires, et le philosophe, soucieux de la vérité et de l'émancipation, n'oppose plus deux personnages distincts, il se joue dorénavant en chacun de nous. Et, à l'instar de l'Etranger dans le Sophiste, nous éprouvons de plus en plus souvent  le vertige de ne plus savoir établir une ligne de partage claire entre ces deux régimes de la pensée."

Martin Legros, Socrate et les sophistes, un match interminable, Philosophie magazine, HS Platon, p. 58.


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