"Quelques semaines auparavant, ce gamin-là qui nous arrivait de Nancy s'était mis à empoigner le tronc d'un arbuste pour s'y agripper à la manière dont s'agrippe un enfant de quelques mois, à croire qu'il faudrait lui scier le poignet pour qu'il lâche. Et lui venait une sorte de grognotement sur l'air de La Marseillaise alors que se dégonflait ce ventre en poche qui le faisait enceint de l'air du monde.
Celle île qui n'en est pas une, cet "il" qui n'en est pas un... Quelque chose manque dans le monde comme il est, et ce gamin, à se raccrocher comme il le fait, ce manque, il en est au bord même : ça doit lui faire, dans le dedans, comme une falaise. Accroché, agrippé à un pas du vide, il l'est resté jusqu'au sommeil qui venait prendre le relais du vertige. Et ça a duré des jours.
Au lieu de scier le bras ou de scier l'arbre, Lin a façonné un long bâton-massue que le gamin trimbalait dans des trajets très incertains alors permis par le fait de ce recours qui se prêtait à déambuler. Et Lin, lui aussi, était là, scié de son existence d'avant. Il en est ainsi de chacun d'entre nous."
Fernand Deligny, Nous et l'innocent, in Œuvres, L'Arachnéen, p. 780.
"Jacques Lin, né en 1948, ancien ouvrier, est aujourd’hui le responsable
du lieu d’accueil de Monoblet « les Graniers ». Avec Gisèle Durand-Lin,
depuis bientôt quarante ans, en compagnie d’autistes, ils tentent cette
expérience de vie en équilibre entre le coutumier et l’imprévu.
Il est l’auteur du livre La Vie de radeau, le réseau Deligny au quotidien, Editions Le mot et le reste, 2007." Voir Dérives.
Il est l’auteur du livre La Vie de radeau, le réseau Deligny au quotidien, Editions Le mot et le reste, 2007." Voir Dérives.
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