"A la longue, j'arrive à hauteur des glaciers qui se déploient en splendeurs jusqu'au bord de la promenade. D'après les géologues, le glacier Athabasca a pourtant reculé d'un kilomètre depuis un siècle et la fonte s'accélère à une vitesse vertigineuse. Dans un autre siècle, on longera des champs de coton. Mais, il faut s'y faire, mon amoureuse aura lâché le volant de sa Dodge et nous n'aurons plus cette chance unique de nous balader à travers le monde sans toujours savoir ce qui nous pousse, ou nous tire, en avant. Quoi qu'il en soit, j'aurai connu là une de mes plus belles journées à vélo. Dilatée, c'est le mot, à la mesure de mon coeur et de l'étendue. Après huit heures de selle, je suis ravi, comblé par ce paysage qui me colle à la peau, apaisé par la débauche d'efforts, n'en abordant pas moins les dernières lignes droites avec une joie furieuse, finissant par pédaler comme en rêve et, somme toute, heureux d'arriver même si on voudrait tant que ça ne finisse pas."
Bernard Chambaz, Un autre Eden, Seuil, 2019, p. 68.
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