"Dorothée Lopez emprunte l'ascenseur : trop vaste pour elle seule, trop de miroirs pour son amour-propre et surtout beaucoup trop rapide, cet ascenseur, au point que pendant la descente elle ressent comme un mouvement interne remontant en sens inverse dans ses organes, une onde verticale floue qui la parcourt du pubis au larynx : pas terrible. Sortie de la tour Nelson et levant machinalement les yeux, le sommet du haut bâtiment chapeauté de nuages lui fait éprouver cette fois un violent vertige en contre-plongée. Vraiment pas terrible non plus, et Dorothée Lopez s'en veut de ces malaises dont elle ne fait jamais part à personne, qu'on ne soupçonnerait pas chez quelqu'un d'apparence à ce point sûr de soi, autoritaire et sans scrupules. Mais pas du tout : Lopez est bien plus émotive qu'elle n'en a l'air, plus fragile, plus rêveuse, elle envie ces nuages de ne pas être sensible au vertige, quoique après tout qu'est-ce que j'en sais."
Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, Minuit, 2020, p. 98.
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