"Nulle part cette capacité mimétique n'éclate mieux que dans la Carrière à Bibémus d'Essen. [...] L'analyse de la substance des choses est à son comble. La roche découpée sur le front de taille porte la trace des scies qui la débitèrent selon des lignes perpendiculaires et se présente en plans verticaux séparés par des fissures et des arêtes linéaires. La roche érodée par la pluie et le vent, la roche rongée par le temps, est d'une autre couleur, plus grise. Le ciel, évoqué plutôt que peint ne couvre qu'une fraction de la surface et ceci, s'ajoutant à l'absence de premier plan, accentue le côté "suspendu" de l'image, en surplomb au-dessus d'un vide invisible et néanmoins sensible. Le vertige s'accroît quand le regard glisse le long du tronc droit et mince d'un pin qui a poussé au fond de la carrière et dont le feuillage ne se hisse pas au-dessus du rebord du trou - détail qui suggère l'échelle inhumaine de ce chaos dont l'homme est coupable."
Philippe Dagen, Cézanne, Flammarion, 1995, p. 92.
Carrière de Bibémus, Paul Cézanne, v. 1895 (Folkwang Museum, Essen) |
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