"Dès lors les artistes devenaient des êtres proches, puisqu'on partageait avec eux ce que l'on évitait ailleurs : ce qu'il y avait de plus intime et de plus essentiel. La confrontation à leurs œuvres donnait le vertige puisqu'ils semblaient être là, malgré leur absence, présents dans la matière qu'ils avaient travaillée. Par une incroyable magie, leur être avait vaincu la nuit pour venir nous parler."
Stéphane Lambert, Visions de Goya, L'éclat dans le désastre, Arléa, 2019, p.11.
"Il n'est pas étonnant que les vies d'artistes aient pris tant de place dans mes livres. En même temps que je me reconnaissais en eux, ce qu'ils avaient accompli me donnait le courage d'exister. Leur parcours relevait d'une permanente quête ; et leurs recherches formelles, d'une plongée introspective. Dans une société qui, par nature, appelait au conformisme, ils avaient l'audace d'assumer leur vision, d'avancer dans des directions où aucun repère ne pouvait les guider, si ce n'est leur intuition. Pour rejoindre, il fallait rompre. Suivre ce chemin à l'écart où se recentrer sur l'essentiel était le seul moyen pour eux de se rapprocher d'un état tenable. Humanités œuvrant sans cesse pour ne pas se décomposer. Existence d'équilibristes tentant de se maintenir dans un fragile balancement entre vertige et foi."
Id., p. 13.
"On en revient à l'image brouillée de Goya aux côtés du docteur Arrietta, l'une des images les plus fascinantes de l'histoire de la peinture. Son délire ne naît-il pas, plutôt que d'une maladie, de la volonté de se substituer à l'autre dans le rôle de témoin de soi-même ? Dédoublement vertigineux, car plus il se penche sur son image, plus celle-ci se brouille, s'éloigne de lui, échappe à son entendement, car, se répète le peintre, je suis cette illusion impossible à atteindre, cette figure s'enlisant dans la mort."
Id., p. 44.
Goya atendido por el doctor Arrieta, Goya, 1820, Minneapolis Institute of Art |
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