jeudi 19 mars 2020

Jean de Berry

"Un assez triste sire, concluent les historiens, qui soulignent sa cupidité, sa cruauté occasionnelle, son apathie, sa sensualité, son goût du luxe, son "absence totale de sens moral et de patriotisme". Réserve faite de l'anachronisme du dernier grief, le portrait n'est pas trop noirci. Le Duc appartient bien à ce déclin de Moyen Age dont Huizinga a su mettre en évidence les obsessions fondamentales : hantise de la mort, rêverie "définitive" orientée sur l'amour ou sur la prouesse, mais en dépit de ces vertiges déréalisants, l'empire de ce qu'il a superbement nommé : "l'âpre saveur de la vie".
Dans la foulée du rêve, Jean  de Berry, échappe à l'obscure politique du temps, devient le bâtisseur, le montreur de merveilles. Ses châteaux ressortissent au conte de fées. Il suffit, dans les Très Riches Heures, de contempler Mehun dont les tours et les courtines se couronnent, au-dessus des créneaux, d'un étage supplémentaire, tout d'arcatures et d'à-jours, qu'effilent encore les hautes cheminées prismatiques, les gâbles engrêlés et fleuronnés, les poivrières, les flèches, les girouettes de plomb sur-doré, en façon d'ange, d'ours ou de coq, que surmonte encore la hampe des bannières ducales. C'est moins un château qu'une apparition de château et le génie des Limbourg a renchéri à plaisir sur cette apparence spectrale."

Philippe Audoin, Bourges, cité première, Julliard, 1972, p. 90-91.


"Le château de Mehun-sur-Yèvre dans La Tentation du Christ, f.161v.  Frères de Limbourg, entre 1411 et 1416 (Wikipedia)


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