"Les raisons qui se cachent derrière les actes d'un salaud sont - de même que celles d'un Dieu supposé - toujours impénétrables. Et je dois avouer que rien qu'à l'idée de les passer en revue - quant à les justifier, je n'essaierai jamais -, j'ai un peu le vertige, comme lorsqu'on se trouve devant la porte de la maison où l'on a toujours vécu, une boussole au fond de sa poche, les mains pleines de données géographiques, sans avoir la moindre idée de là où on est."
Rodrigo Fresán, La Vitesse des choses, Passage du Nord-Ouest, 2008, p. 242-243.
"Ainsi l'ivresse finale de mon désordre, l'ultime soûlerie définitive, consiste à aller de A à B sans perdre de vue le temps que prendra une brève escale à Z, un résumé de ce qui a été publié dans R, en sachant que tout ce qui s'est dit jusqu'à présent et se dira à l'avenir n'était et ne sera jamais qu'une sorte d'épouvantail constitué de mots qui, je l'espère, n'effraiera personne, sauf ceux qui doivent le craindre. Une épreuve initiatique. Une façon de dire qu'il me fallait arriver jusqu'ici pour m'assurer non pas que vous êtes dignes de mon histoire, mais que vous avez assez de défenses et d'anticorps pour l'affronter sans fermer les yeux dans les virages et les lignes droites les plus vertigineuses de mon autopsie.
Je n'ai jamais dit que ce serait facile."
Id. p. 245.
"Le premier salaud dont je me souviens bien est Grand-père, un monstre élégant et compliqué qe je n'ai jamais pu décrire avec précision jusqu'au soir où, au cinéma, j'ai vu l'acteur américain Christopher Walken. Même s'il ne lui ressemblait pas physiquement, Grand-père était rigoureusement identique à Christopher Walken : un vertige de menaces, un canif ouvert dans un tiroir sombre, un sourire sans échappatoire. A une certaine époque de ma vie, dès que sortait un film avec Christopher Walken, j'allais le voir en compagnie d'une bouteille d'alcool fort et, devant l'écran, je criais en m'adressant tout à fait sérieusement à Grand-père."
Id. p. 252.
Christopher Walken, 2019. |
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