"Et la Grande Dépression
? À l’évidence,
nous sommes plus proche de cette configuration. Effondrement de
production, chômage au zénith — le taux de chômage montera jusqu’à 36
%
aux États-Unis en 1932. Les images, nous les connaissons : la
littérature et le cinéma se sont chargés de nous les mettre sous les
yeux. Elles n’étaient pas belles à voir, et après
? Le capitalisme n’a-t-il pas redémarré «
comme il redémarre toujours
»
?
C’est vrai : il avait redémarré. Mais le capitalisme n’est pas une
chose autonome suspendue en l’air : il est dans une société, et même
s’il la façonne profondément à son usage et à sa continuité, il ne se
maintient que si celle-ci le laisse se maintenir. Or les sociétés
bougent, leur sensibilité se déplacent. Des images tolérables jadis ne
le sont plus aujourd’hui. Au début du XXe siècle on envoyait les hommes à
la boucherie par millions. Ce serait moins évident aujourd’hui… Les
années 30 ont peut-être réussi à «
faire
»
avec la famine, les gosses en haillons et des morts de faim sur les
bas-côtés, on n’en tirera pas la conclusion que la société d’aujourd’hui
est partante pour rééditer l’exploit.
Alors c’est exact, à 25
% de taux de
chômage en 2015, la société grecque n’a pas moufté non plus — manière de
parler : les protestations n’avaient pas manqué. Était-ce parce que
beaucoup estimaient que ce gouvernement «
de gauche
» ne pouvait pas être totalement mauvais, en tout cas qu’il était meilleur que les autres possibles
? Etait-ce parce que «
moufter
» aurait voulu dire — au moins — sortir de l’euro et que l’idée était encore trop vertigineuse
? Mais précisément : la société grecque se retapera-t-elle, tel quel, un taux de chômage à 25
%
?
Car la deuxième fois n’est pas juste une deuxième première fois —
surtout quand elles se suivent à si peu d’intervalle. À un moment tout
de même, il y a les effets de cumul — et «
la fois de trop
».
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« Le Colosse », 1808-1812 (Inconnu, longtemps attribué à Goya).
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